jeudi 4 février 2010

BOLTANSKI : LE FROID, LA PELURE ET LA PEAU

Christian Boltanski,"PERSONNES". Photographie ©FDM

"bientôt des peaux comme chiffons usagés pendent
au bout de mains contre des poitrines
piétinant de la matière cérébrale écrasée
reins enveloppés de tissus brûlés
défilent des corps nus qui marchent en foule et pleurent"

(Tôge Sankichi, Poèmes de la bombe atomique, le 6 août 1945)

Lundi, 1er février 2010. Il fait froid dans la nef du Grand Palais. Boltanski l'a "voulu ainsi". Les vêtements amoncelés — manteaux, lainages, cache-col : tout cela ne nous réchauffera pas. Ils nous donnent plus froid encore, nous font frissonner à l'évocation, au souvenir (mais ce mot est ici impossible à prononcer) de ces histoires de vêtements abandonnés, de corps dénudés, de vivants anéantis.

Évoquer Hiroshima, les corps brûlés, "dessiccés", les matières désintégrées, est-ce pensable face à ces pelures et défroques évoquant crûment la réalité de la Shoah. En deux endroits du monde, à très peu de "temps" d'intervalle, deux opérations innommables se font écho.

Dans les deux cas, il est question de corps, de peaux, de la sensibilité vive de tous ceux qui portèrent ces défroques, ces haillons, ces lambeaux ou ces vêtements qui aujourd'hui encore peuvent "tenir" et se supporter ou ne plus exister que "désintégrés".

On comprend alors cette froidure qui nous habite. Au détour de ces allées, de ces chiffons où se meuvent et se glissent non pas "des" personnes, mais précisément "Personnes".

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