lundi 8 février 2010

LES ROBES PASSIONNELLES ET DÉJANTÉES DES CHORÉGRAPHIES DE PINA BAUSCH

Pina Bausch © DR

Le sacre du printemps (1975), Les Œillets (1982), Walzer (1992), Bandonéon (2007), Sweet Mambo (2008) : d'une chorégraphie à l'autre, les robes des spectacles de Pina Bausch virevoltent, tanguent et s'ouvrent comme autant de fleurs vénéneuses. Sur des dessous chair. Ces robes ne sont pas fermées. Elles godent, glissent, laissent le dos plus nu que nu, déshabillé ou décousu.

Le vêtement s'affranchit des différences sexuelles. Les hommes aussi, dans les chorégraphies de Pina, portent des robes qui s'épanouissent en corolles. Et exhibent des dos nus, des décolletés, des épaulettes instables… Le danseur est la ballerine de ce nouveau ballet, de ce monde où la grâce, le féminin même, ne sont plus l'apanage d'un seul sexe.

Dans Les Œillets, Dominique Mercy est ce ludion, cette ballerine qui fait pour le spectateur la démonstration de quelques figures du ballet classique. Doublée d'une seconde robe, qui est du rose même des œillets qui parsèment la scène, sa robe ou sa peau de satin noir virevolte de manière gracieuse et comique, révélant ses dessous masculins.

La robe devient l'objet transitionnel du rapport entre les sexes. Rapport violent. Sensuel. Charnel. À la toute fin de Barbe bleue (1977), le tyran habille sa femme-poupée, la recouvrant d'une superposition de robes. Aucun détail n'est épargné de ce qui fait figure de rituel. Compulsif. Obsessionnel. Chaque robe est enfilée par-dessus les autres. Enfiler le vêtement devient de plus en plus difficile. Le corps s'engonce et se raidit.

Ces robes s'apparentent le plus souvent à des dessous. Légers, fluides, épousant soigneusement la courbe des corps. Ils sont bien plus qu'une seconde peau, mais déjà quelque chose de la chair qu'ils recouvrent et en laquelle ils se fondent.

Les tissus sont souples, soyeux. Plus souple et plus soyeux que les plus sensuelles des peaux. On songe à ce qui se nomme de la "peau d'ange" : ce crêpe de satin qui m'émerveilla, enfant, lorsque je le découvris pour la première fois.

Mat sur l'envers et doux à la façon d'un vélin, souple et brillant sur sa face, ce tissu bouge et ondoie à la façon d'une "eau", se caresse comme on le ferait d'une peau…

Lien video : Pina Bausch, Les Œillets.

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