mardi 18 mars 2014

CARTIER-BRESSON. Un regard. Un monde.

Affiche de l'exposition (détail).

Henri Cartier-Bresson.
Centre Pompidou, Paris
12 février - 9 juin 2014

Baisers « volés ». Suspension du pas d'un promeneur au-dessus de la flaque d'eau qu'il enjambe. Giacometti saisi dans l'instant où il ressemble à l'une de ses statuettes. Prostituées « à la cangue », émergeant des minuscules fenêtres qui leur permettent de s'offrir au regard. Escaliers clichés dans le droit fil de perspectives plongeantes et de contre-plongées esthétisantes... Foule chinoise agglutinée...

Un regard, un monde se font face. - Henri Cartier-Bresson est connu pour l'exceptionnelle acuité de son regard, la saisie au quart (ou au millième...) de seconde de « l'instant décisif » : ce moment miraculeux, cet « inframince* » à la Duchamp qui advient tout d'un coup, ajustant l'œil du photographe à ce monde qui tournoie autour de lui.

Car - ne l'oublions pas - en regard du photographe c'est un univers qui se déploie. Bruyant. Mouvant. Indomptable. - Des univers, faudrait-il tout aussitôt ajouter. Car le monde est pluriel, polyvalent et d'une inimaginable diversité.

La photographie n'est possible qu'à cette seule condition : que, face au regard du photographe, il y ait précisément un monde, c'est-à-dire des paysages, des gens, des attitudes, d'autres visages et d'autres regards, des nuages, des rides, des perspectives et des points de vue.

Ces mondes-là ne cessent de se renouveler, d'évoluer, de muer. D'où la nécessité (sans cesse) d'une nouvelle attention, de nouvelles acuités.

Lorsque la splendeur ou l'incongruité du monde et le regard d'un photographe particulièrement doué se retrouvent connectés - et comme abouchés l'un à l'autre - alors, une grande œuvre peut surgir.

Mais cela nécessite que le photographe soit un nomade et un errant. Un voyageur de la perception. - Découvrir sans cesse de nouveaux visages, de nouveaux paysages, de nouvelles contrées - l'Espagne de 1937, la Chine des années 1950, le bloc soviétique, l'Amérique du Nord et ses curieux rituels, etc.-, cela aiguise le regard et lave toutes ces taies qui s'accumulent sur les regards des jours ordinaires de la sédentarité.

À moins que ce monde-là soit tout à la fois si proche et si lointain qu'on puisse en découvrir les facettes de rêve, d'horreur ou bien de dérision. Car l'on voyage aussi sur place et dans ce monde de la proximité où adviennent le hasard et tant et tant de surprises visuelles.

* « Inframince » : désigne chez Marcel Duchamp cette (im)possible surface de séparation entre deux corps, deux substances, deux textures ou deux idées.

Site de la Fondation Cartier-Bresson

Sur le Parvis Beaubourg, 2014 Photo © FDM

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