samedi 12 avril 2014

MAPPLETHORPE. Muscle. Volume. Clair-obscur.

Grand Palais. Vue d’exposition ©FDM, 2014.

« Je vois les choses comme une sculpture, comme des formes qui occupent un espace." (Robert Mapplethorpe)

Il faudrait partir ici de cet appareillage de « muscles » qui permettent au corps d’accomplir ses mouvements et de se déployer dans l’espace. Résistance, contraction, énergie, mouvement : tout cela est rendu possible par l’ensemble des faisceaux de fibres qui assurent au corps son modelé, son volume, sa perfection.

Cette perfection interne possède son correspondant externe. L’apparence physique, la belle stature, l’harmonie des gestes et des attitudes reposent tout entières sur le bon entretien de ce que l’on nomme une belle musculation.

Depuis la statuaire grecque, et l’importance qu’elle octroie au corps, on sait combien les volumes, les solides musculatures présentent d’avantages esthétiques.

2000 ans plus tard, Mapplethorpe retrouve la fascination du corps sculpté. Qui n’est pas n‘importe quelle image du corps. Qui est celle d’un corps abstrait, sublimé. Ramené et réduit à des proportions, des volumes, des formes (géométriques ou arrondies).

Le renouveau est venu d’un nouveau medium : la photographie. Jouant sur la lumière, le contraste des ombres et de la clarté, la photographie (tout particulièrement la photographie en noir et blanc) sculpte l’image, accentuant formes et volumes. Elle apparaît ainsi aux yeux de Mapplethorpe comme un formidable instrument pour sculpter le corps humain. Redécouvrir ses pleins et ses déliés. Accentuer les bosses, les creux, les pleins, les formes et l’arrondi des membres. La musculature est ici réinventée par le clair-obscur.

D’où un traitement du nu et — plus particulièrement — du corps masculin à la façon d’un tailleur de pierre et de lumière. — Michel-Ange n’est pas loin. Mais les nouveaux éphèbes ou Apollons sont noirs (cf. le Black Book) tout autant que blancs. La nudité, le sexe y sont omniprésents. — Et là, il faudrait parler du New York des années1970-1980, du Chelsea Hotel et de la Factory d’Andy Warhol. Un monde brillant, sulfureux, factice et suprêmement inventif.

Nota bene. — Ce papier terminé, je tombe sur le blog d’Elisabeth Lebovici, consacré à cette « exposition » : « Dix minutes, douche comprise: l'exposition Lagerfeld... Oups! Mapplethorpe ». — Papier donc, non sur Mapplethorpe mais sur l’« appréhension » du protocole de cette exposition du Grand Palais. — Alors ? Sur bien des points, Elisabeth Lebovici a raison. Une exposition se fabrique, en obéissant à des protocoles précis et particuliers. Ceux-ci ont évolué. Et, de plus en plus, nous sommes en plein marketing. Fabrique d’images, sinon de « marques ». Rares sont désormais les « grandes » expositions qui échappent à cette règle. À cela j’ajouterai que les espaces du Grand Palais situés sur le pourtour ou non loin de la Grande Nef centrale ne sont guère harmonieux. Les expositions en souffrent. — C’est ce que j’ai ressenti en visitant, il y a peu, l’exposition Bill Viola : manque d’espace, manque de distance pour percevoir les œuvres, parasitisme constant de la silhouette des visiteurs qui « occulte » la vision des vidéos, etc.

Disposant d’une distance optimum pour voir les photographies, le public (peu nombreux) n’étant guère oppressant, je n’ai pour ma part prêté aucune attention au « protocole de l’exposition » Mapplethorpe, pas plus qu’à son accrochage ou au discours qui l’entourait. Je me suis concentrée (comme je le fais généralement dans les expos) sur les œuvres. Et non sur le « bla—bla » visuel et langagier qui les entoure. — Et « Mapplethorpe », oui : cela compte.

Robert Mapplethorpe au Grand Palais

« Mapplethorpe. Affichage urbain » © FDM, 2014.

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